14/05/2010

Tous a la rue !

Pas facile de quitter Bodhgaya... pas facile de quitter tous ces gens. C'est bien beau de vivre l'Inde par le regard des autres, mais il etait temps de retrouver notre Inde : celle du voyage, celle qui se vit et ne se raconte pas. Et pour voir cette Inde ci, pas de meilleur theatre que la rue.

Les indiens, qui forcent notre admiration par leurs habitudes de vie, passent le plus clair de leur temps dans la rue. Il faut dire que pour eux, cet espace n'est en rien semblable notre bonne vieille vision europeenne. La rue, l'espace publique, est avant tout un lieu de vie, et toutes les activites quotidiennes s'y cotoient dans un semblant desordre.

Apres Bodhgaya, nous sommes donc partis pour Varanasi, celebre mondialement pour ses "ghats" (ou escaliers menant a l'eau) en bordure du Gange. La proximite du fleuve sacre en fait un endroit ideal pour observer la rue. Ses eaux sont utilises chaque jour par des milliers d'hindous pour s'y laver : les ablutions du matin et du soir offrant a l'observateur un spectacle typiquement indien (on a tous en nous cette image d'indiens se lavant le Gange!). Ici, on se lave entre amis, au milieu de ses voisins et meme d'inconnus...

Le Gange est egalement une gigantesque laverie a ciel ouvert. Des le matin, on peut croiser dans les ruelles de veritables processions de femmes portant tonne de linge sale. Et une fois qu'il est "propre" (ca reste tout de meme l'eau du Gange au niveau de Varanasi ^^) on n'hesite pas a l'etendre, le suspendre, ou plus simplement le poser dans la rue. Ici, on lave son linge sale a la vue de tous (sans mauvais jeu de mot)...

Meme les moments les plus intimes de la vie familiale se deroule en exterieur : les bords du fleuve sont egalement le lieu des cremations. Reve de tout hindou, l'incineration du corps peut surprendre le voyageur. Nous avons eu la "chance" de loger dans un hotel avec "vue sur ghat de cremation". Ici, on brule les corps dans la rue...

Cela nous aura certes permis de decouvrir un peu mieux les rituels mortuaires de cette religion, mais surtout de prendre conscience de toutes les activites economiques y attenant. Outre les traditionnels tours pour touristes (balade en barque au lever du soleil pour observer le reveil des ghats), la rue indienne est le lieu de predilection pour le commerce. "Oui OK, chez nous c'est pareil" me direz vous. Mais ici, le commerce prends litteralement la rue, l'espace. Ainsi, aux abords des ghats de cremation, on peut voir des montagnes de bois empile (il paraitrait que le plus riche de Varanasi soit en fait un intouchable ayant la main mise sur le commerce du bois de cremation!). On y voit egalement une multitude de minuscules "street shops", souvent installes a l'ombre d'un arbre. Nombre de ces commerces sont ambulants : glaces, jus de fruits frais, chai (the au lait sucre), lemon soda (ils ont leur equivalent du Perrier citron !), sont ainsi transportes a travers la ville, n'ayant ni peur des routes surchargees ni des etroites ruelles bondees. Ici, on vend a meme la rue, on y travaille...

Apres avoir visite Varanasi et ses alentours (notamment Sarnath, lieu ou Boudha fit son premier sermon), et nous etre remis d'un triste episode fievreux, il nous fallait un peu de fraicheur. Deux solutions : soit nous retournions dans les montagnes, soit nous prenions le chemin de la plage. Je vous laisse deviner quel fut notre choix... Du coup, petit voyage vers la cote de 37h de train. Une nuit, un jour, une nuit. Arf. Pas facile tout le temps, mais beaucoup moins ardu que prevu. Et puis le jeu en valait la chandelle : arrivee a Anjuna (Goa) vers 9h du matin. Petit dej' en face de la mer. Ici, la rue peut etre paradisiaque ! On a bizarrement moins de mal a envisager cette vie en exterieur a proximite d'une mer a 30 degres ;-). Faut dire que depuis que nous avons fait route vers le Sud, la chaleur ne cesse d'augmenter. Et quand la chaleur augmente, rien de tel qu'un bon plongeon ! La nuit, il n'est pas rare de croiser un indien et son fils allonges sur une natte en bambou, passer la nuit "a la fraiche". Ici, on dort dans la rue...
La periode ou nous sommes passes sur la cote de Goa, la fin de saison avait sonnee. Cela ne nous aura cependant pas empecher d'explorer les lieux en scooter, et plus tard de descendre a Gokarna (au sud de Goa).

Encore une ville sacree, ou des brahmanes torses nus portent offrandes et cadeaux au temple. Il faut dire que la religion est au centre de la vie des indiens. La multitude de divinite se retrouve souvent dans la rue, ou nombre de temple leur sont dedies. En Inde, ces lieux religieux sont omnipresents : simples lingam a meme le sol, petites cabanes renfermant un poster de dieu, temples au coin d'une rue, meme les arbres peuvent etre sacre et donner lieu a des ceremonies. La vache, animal sacre, tient egalement bonne place dans la rue. Partout elles se baladent, a la perpetuelle recherche de nourriture : au milieu de la circulation, en face des maisons, dans les champs...etc. Ici, la foi se pratique dans la rue.

Mais Gokarna n'est pas seulement reputee en tant que place religieuse, elle est egalement prisee pour ses plages paradisiaques relativement preservee du tourisme de masse (particulierement en hors-saison me direz vous ^^). Nous avons donc pu gouter deux jours de plus aux plaisirs de la plage (excursion des autres plages, balades dans les colinnes environnantes). Une occasion revee pour dormir la belle etoile. Le lendemain soir, route pour Hampi (9h de bus dont les amortisseurs devaient etre atteint d'arthrose ^^). Ici, la rue peut etre cabossee !

Plus grand site en ruine du monde jusqu'a ce jour, Hampi est un endroit hors du temps. Classe au patrimoine mondiale de l'humanite, le site est particulierement connu pour ses formations de granit environnant. Il faut dire que le paysage est assez particulier : des ruines du XVeme siecle (facon temple hindouistes) au milieu d'enromes bloc de pierre, le tout sur des dizaines de kilometres a la ronde. Certains sommets offrent des vues d'une rare beaute sur la vallee (bientot dans la galerie photo, c'est promis!). Ici, la rue c'est un chemin en terre menant a un temple perdu au milieu des rocailles, garde par un indien allonge a l'ombre du monument pour faire sa sieste...

4 jours que nous y sommes. 4 jours a la decouverte des environs. Il faut dire que le site est tres vaste. Le seul inconvenient : la temperature en milieu de journee, qui pousse les explorateurs que nous sommes a nous refugier a l'ombre d'enormes blocs de granit. L'avantage, l'hygiene de vie que nous avons du adopter : lever tot, coucher tot (pour ca y a pas trop de probleme, tout est ferme a 11h!). En plus, pas de viande dans cette ville (1 semaine dans viande et sans alcool au total ! "Pas mal!" diraient certains). Pour le petit dejeuner, direction un petit stand confectionnant ses propres idli (galettes de riz fermente), pouris (ou puris, les indiens ne sont pas trop d'accord entre eux - sorte de galette frite) et autres beignets imbibes d'huile. Le tout accompagne d'un chai, assis dans l'ombre matinale d'un arbre centenaire. Ici, on mange, on cuisine dans la rue...

La rue est donc un lieu clef pour le voyageur/observateur, qui s'emerveillera souvent de l'appropriation que se font les indiens de ce lieu dit publique. A tel point qu'on peut par moment s'interroger sur les limites du concept de vie privee (qui nous est si cher). Pas plus tard qu'hier soir, le quartier de notre guesthouse resonnait de la dispute d'un couple. Et pour le coup, tout le monde devait s'agir de l'objet de cette apre discussion. Ici, on s'engueule dans la rue...

C'est donc un lieu de vie, comme chez nous, mais avec une valeur humaine beaucoup plus presente. Il est d'ailleurs interressant de voir comment on deshumanise les personnes vivant "a la rue" dans nos pays. Certes les conditions (notamment climatiques) sont plus propice en Inde qu'en Europe a la vie en exterieur, mais comment expliquer cette envie de s'isoler d'autrui ? Comment nous reapproprier l'espace publique ? Le voulons-nous reellement ?

Beaucoup de questions...peut etre un peu dur de finir la dessus ^^. Du coup, pour vous rassurer, voyons les points communs : la rue, ici comme chez nous, c'est aussi un lieu de discussion, de rencontre, ou l'on peut observer sans etre vu. Et puis on a beau y vivre, elle est pas propre la rue. Au moins avons-nous la chance en France d'avoir des systemes de collecte des ordures, des poubelles vertes, des jaunes... Ici, la rue c'est souvent une dechetterie a ciel ouvert, ou les odeurs se melent et piquent les yeux et le nez. On y brule les plastiques, les ordures menageres seront mangees par les vaches, qui deposeront ici et la leurs bouses au milieu de la route. Comme chez nous, on y fait meme ses besoins... sauf que les indiens, ils se cachent pas ;-)

1 commentaire:

René de MLH a dit…

Et bé !!! depuis le début je lis vos aventures avec délectation et vlati pas que maintenant il y a même des sujets de réflexion ...
Sommes nous devenus trop aseptisés en Europe ? Pourtant l'Inde évolue ... Que doit-on apprendre de ces écarts que vous vivez ?
En tous cas bravo Julien ... tu vas porter un vrai cabas de richesses qui ne pourrons pas chuter en bourse ;-)
Et dire qu'il faudra attendre la suite des épisodes !!! Pffff trop dur !
Allez plus vite ou écrivez plus ;-)

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