L'Inde aux 1000 visages

Apres des semaines de jeune et de meditation, l'Homme reprit sa route a travers champs. Apres quelques heures de marche, epuise par ses dures semaines de restrictions, il decida de se reposer a l'ombre d'un banian. Emues par l'etat de decrepitude extreme de son corps, deux femmes lui offrirent du "milk rice". Une fois le repas consomme, notre Ami reprit son chemin. Un peu plus loin, il rencontra un fermier coupant de l'herbe. Le questionnant sur l'utilisation qui serait faite de ces touffes d'herbe bien fraiche, le Pelerin s'en vit offrir une afin qu'il puisse s'y reposer. Fort de cette rencontre et du precieux cadeau fait par le fermier, notre Compagnon decida de reprendre la route, a la recherche d'un endroit paisible ou mediter. Il le trouva quelques kilometres plus loin, sous l'ombre de l'Arbre (Ficus Religiosa pour nos amis de la nature). La, apres une longue meditation, Il atteignit l'Eveil. Notre Ami n'est autre que Boudha (l'Eveillle), l'Arbre devint celui de la Bodhi.
C'est dans ce contexte que vit le jour un lieu cher aux boudhistes du monde entier : Bodhgaya (non loin de Gaya). Cette place sainte rassemble chaque annee des millions de pratiquants et curieux souhaitant approcher, se receuillir, mediter a l'ombre de l'Arbre sous lequel Siddartha Gautama devint Boudha. Nous y aurons passe 7 jours. On pourrait penser que ce lieu est fait pour la retraire interieur, le travail sur soi... C'est bien le cas, mais en realite, ca aura ete pour nous l'occasion de rencontrer autrui et de partir ainsi a la decouverte de l'Inde...

Pascal, quarantenaire francais vivant a Londres. 4 mois de vadrouille a travers l'Inde n'auront en rien su entacher sa soif de decouverte. A l'aise ou qu'il se trouve, il n'a pas son pareil pour negocier et nouer des relations (rencontre a Silliguri, nous le retrouvames a Bodhgaya). Entousiaste, volontaire et infatiguable, son voyage, c'est avant tout des vacances. Pas de prise de tete, il faut en profiter au maximum.

A l'inverse, Carlos, 38 ans : lui, c'est son second voyage en Inde. 14 ans apres un premier passage, il a decide de revenir, d'en voir un peu plus. Feru de litterature, de religion et d'esotherisme, son parcours est davantage comparable a un pelerinage, un chemin mystique. A la recherche de son "Chemin qui a du Coeur", il est tombe litteralement amoureux de Bohgaya. Fascine par le boudhisme depuis des annees, cette etape est pour lui empreinte d'un puissant symbolisme : il peut, lui aussi, s'asseoir a l'ombre de l'Arbre. Sa vision de l'Inde ? Un pays sacre, ou chaque chose, chaque personne, se revele sous sa vraie nature.

Sathiana, la 20aine, elle, est arrivee a Bodhgaya il y a 3 mois. Souhaitant s'orienter dans la formation, l'education, la jeune suissesse s'est trouver ici un but : chaque fin d'apres midi, vers les 17h, elle tient un "cours du soir" non formel sur le toit d'une maison. Elle essaie d'y faire travailler ses petits proteges : une 30aine de gamins, entre 6 et 12 ans, qu'elle suit avec le serieux et la douceur d'une maitresse d'ecole. Meme si ce n'est pas toujours facile. Pour avoir assiste a ces cours et avoir modestement tente de l'y aider, nous nous sommes vite rendu compte de l'ampleur de la tache. Ils bougent dans tous les sens, se chamaillent, discutent, courent, font de la gym, nous sautent dessus, rient, pleurent... bref, une vraie ecole de la vie. Pour elle, l'Inde c'est donc un investissement personnel, un don de soi, des rencontres humaines fortes avec les indiens, mais egalement avec les touristes. Elle tente d'apporter sa pierre a l'edifice de l'education indienne (un peu bancale par endroit il faut bien se l'avouer).

Sundy, quant a lui, ne va pas a l'ecole. Age d'a peine 12 ans, il se revele deja comme etant un tres bon commercant. Son travail : vendre des cartes de l'Inde, des cartes postales, des colliers, ou tout ce dont tu peux avoir besoin (il peut tout trouver!). Tres debrouillard ce petit, mais egalement feroce commercial : il ne te lachera pas touriste. Il en veut a tes roupilles, et tous les moyens sont bons. Mais si tu sais mettre cette relation de cote, il s'avere etre un charmant ptit bout de chou, qui meme s'il tente tous les jours de te vendre un truc, n'hesite pas a rester en ta compagnie. Tu pourras alors le questionner, jouer, blaguer avec lui. Je ne sais pas trop ce qu'il pense de l'Inde (peut-on d'ailleurs en avoir une vision a cet age?). En tout cas, son Inde a lui doit etre dechiree entre un mode de vie traditionnel et ces hordes de touristes qu'il cotoie chaque jour.

Les moines (nepalais) du Schenchen Monastery pour leur part ne se pose pas ce genre de question. Le monastere dans lequel nous sejournames abritais 3 moines. Mathieu aura bien essaye de s'immerger dans leur mode de vie, mais le rythme impose par leur hygiene de vie etait beaucoup trop soutenu : 6h du matin, premiere ceremonie, petit dejeuner, repos jusqu'au dejeuner, suivi d'une autre session repos, ne prenant fin que la 2nde ceremonie du jour. Le reste de la journee se partagera entre repos et diner. Attention ! N'allez pas croire qu'ils ne font rien pendant leur temps libre : ils nous auront initie a une sorte de billard se jouant avec les doigts sur une surface carree. Leur vision de l'Inde a eux doit etre bien plus paisible, empreinte de paix interieure et de.... bonne bouffe !

L'Inde, vous l'aurez compris, n'est pas forcement facile a apprehender. Chaque personne rencontree a sa propre vision, decoulant de sa propre experience. Assez deroutante les premieres semaines, on se rend finalement compte que c'est ce qui fait sa richesse : on ne peut resumer l'Inde a une seule vision.

Prochaines etapes : Varanasi, lieu tout aussi saint que Bodhgaya, mais version Hindouiste, celebre pour les ablutions et les cremations dans le Gange.